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Bonjour,

 

Je m'appelle Nadine, l'enseignante qui accueille Félix en classe de petite section.

Il est bien question d'accueil, car on ne peut actuellement parler de scolarisation. Félix ne parle pas, il crie, gémit, pleure, voit des choses que je ne vois pas, il sourit, n'a aucune relation avec les enfants de la classe et adultes de l'école, il n'est pas dans les apprentissages scolaires, il peut apprécier qu'on le masse, le caresse et il aime la musique et les chansons.

Félix est un petit garçon touchant avec un regard dans lequel on se perd, mais c'est surtout la détresse des parents qui m'a touchée.

La maman a pris contact avec moi au printemps 2013. Nous nous connaissions déjà, j'avais eu un de ses fils dans ma classe. Elle m'a raconté l'histoire de Félix et par conséquence celle de la famille. J'ai pris conscience de la détresse de ces parents, au bord du gouffre, et de leur combat quotidien.

Qu'allait-il advenir de Félix à la rentrée de septembre 2013 ?

La crèche ne pouvait le garder à temps plein, l'hôpital de jour ne pouvait l'accueillir estimant le cas trop lourd pour sa structure, pas de place en institut spécialisé… La seule possibilité restant était l'école !

Nous nous somme donc réunis, maman, CAMSP, maître référent et moi-même pour préparer l'entrée à l'école de Félix et faire une demande d'Aide Humaine auprès de la MDPH.

Une semaine avant les vacances de novembre, Félix a pu venir à l'école. Enfin une AVS était nommée : Pierrine ! Entièrement dévouée à Félix, elle le contient physiquement toute la matinée pour éviter qu'il ne se frappe.

Effectivement, Félix n'a aucune agressivité envers les autres, mais envers lui, il peut être très violent : coups de poings , coups de genoux dans la tête, frappe de la tête contre les murs ou contre un adulte…

Pour les adultes qui entourent Félix , c'est difficile de supporter l'horrible bruit des coups, les saignements de nez quand il tape trop fort, les pleurs de douleurs, les gémissements, les cris, sachant que l'on peut juste contenir ce petit garçon, l'apaiser, le masser, le caresser, lui chanter une chanson, mais que l'on reste impuissant devant une telle détresse.

Je dois "abandonner" les enfants de la classe (30 autres élèves !) pour prêter main forte à Pierrine, car Félix malgré ses 15 petits kilos peut déployer une force inouïe pour se libérer de notre contention et se frapper (Je n'ai pourtant rien d'une ½ portion…).

Félix a passé une période très difficile, vraisemblablement à causes de douleurs dentaires, c'était une boule d'énergie destructrice. Il a fallu, parfois, lui attacher les bras avec un foulard, cela peut vous sembler barbare, mais l'attacher était vraiment une aide pour lui et surtout une protection.

Félix devra attendre 2 à 3 mois pour pouvoir être soigné… Des carries lui rongent les dents de l'intérieur, en attendant ses parents calme la douleur avec du Doliprane codéïné. Quel adulte accepterait des rages de dents durant des mois et, une fois le diagnostic enfin posé, attendre encore 2 à 3 mois pour être soigné et soulagé ???

Félix vient 3 matinées par semaine, lundi, mardi, jeudi. Le vendredi, la crèche a accepté de le garder pour cette année scolaire. C'est les seuls espaces de répit pour les parents qui, sinon, seraient auprès de Félix en permanence. Pierrine et moi, nous accueillons Félix trois heures par jour. Cela nous permet de prendre toute la mesure de ce que vit cette famille au quotidien et à chaque instant. Ils ont toute notre admiration et notre soutien, mais c'est bien peu dans ce combat.

 

 

 

TEMOIGNAGES

 

Bonjour,

 

Je m’appelle Aude, je suis l'éducatrice référente de Félix dans le cadre de son accompagnement à l’IME Teranga. Cet établissement accompagne 18 enfants avec autisme, âgés de 6 à 12/14 ans, avec ou sans troubles associés. Les enfants évoluent au sein d’un groupe de 6, Félix est accueilli sur le groupe des « poissons rouge Â». Les principes d’intervention sont basés sur les méthodes cognitivo-comportementales (éducation structurée, méthode ABA, communications alternatives : PECS, LSF…, thérapies sensorielles et motrices). L’équipe est composée d’éducateurs, de psychologues, d’une orthophoniste, d’une psychomotricienne, d’une infirmière ainsi que d’une maitresse de maison ; encadrés par une équipe de direction.

 

Les professionnels de L’IME Teranga ont rencontré Félix en Avril 2014, grâce à la mise en place de l’accueil temporaire. La situation de Félix et sa famille a beaucoup interpellé l’équipe.

 

D’avril à juillet 2014, nous étions deux adultes en permanence pour Félix. Son temps d’accompagnement est passé de 1h30 à 2h30 par semaine. Nous avons structuré ces temps de présence par différents petits moments et mis en place un schéma de photos pour lui donner de la prévisibilité sur ce qu’il allait faire et le moment où il allait retrouver ses parents. Un éducateur ramenait Félix à son schéma à chaque fin de séance et lui proposait des activités principalement centrées sur ses intérêts, alors que l’autre personne veillait à protéger Félix de ses nombreux coups de poing et genou, et initier sa participation en le guidant physiquement. En l’espace de quelques mois nous avons pu noter des progrès de la part de Félix qui s’avère être réceptif aux différents outils de l’éducation structuré que nous utilisons.

 

En Juillet 2014, suite au départ d’un enfant du groupe, les professionnels accompagnant Félix se sont mobilisés pour lui permettre de bénéficier de cette place d’accueil sur un temps plus important. Compte tenu des progrès observés sur ces petits temps, nous avons souhaité augmenter progressivement le temps d’accompagnement de Félix, afin de s’adapter au mieux à son rythme et de pouvoir lui garantir ainsi qu' au groupe un accompagnement éducatif de qualité.

Nous nous sommes accordés avec la famille pour accompagner Félix dans un premier temps tous les matins, hormis le lundi matin où l’équipe est en réunion ; puis progressivement arriver à des journées pleines le mardi et le jeudi.

 

Lors de son premier projet personnalisé à l’IME, nous avons mis l'accent sur l’importance de travailler la séparation avec les parents et la distanciation d’un des adultes qui s’occupe de lui. Le bien être de Félix est au centre de son accompagnement, dont l’objectif principal est de diminuer ses comportements d’automutilation. Un gros travail est fait autour de la communication afin de favoriser sa compréhension de l’environnement et lui donner davantage de prévisibilité (sablier, timer, schéma) ; ainsi que des moyens adaptés pour qu'il puisse nous faire comprendre ce qu’il veut. (gestes LSF, oui/ non, pointer, repousser). Il bénéficie également d’accompagnements individuels en psychomotricité et avec la psychologue, afin de poursuivre l’évaluation de ses compétences cognitives et sensorimotrices, et de les développer.

 

Actuellement, Félix a beaucoup progressé. Il ne mobilise plus qu’un adulte au quotidien qu’il accepte de mieux en mieux de partager avec les autres enfants du groupe. IL parvient à lâcher l’adulte quelques secondes, ou minutes pour se balader dans le groupe ou le couloir. Lors des temps d’apprentissages la guidance apportée est également de plus en plus estompée. Il accepte de mieux en mieux le cadre posé à l’IME. Il peut nous manifester sa colère, sa tristesse de façon plus adaptée. Certaines semaines sont néanmoins plus difficiles, les coups sont davantage présents. Le fait de le faire boire, ou manger peut être très compliqué et nous nous questionnons encore sur la présence de douleurs. Félix mâche avec intensité son chewytube ou un coussin, il nous incite régulièrement à lui masser la mâchoire, lui faire des pressions avec notre main en plaçant sa main sur la nôtre et en appuyant parfois plus ou moins fortement. Ces problèmes de constipation peuvent également le parasiter.

 

Félix a pris de la force, il est rusé et très rapide lorsqu’il veut se mettre des coups. A ces moments, il devient difficile de le protéger. Il est alors nécessaire de cesser l’action effectuée et de se mettre au sol, en le prenant contre nous d’une certaine façon, pour stopper la montée de ses poings et de ses genoux. Lors de grosses crises ou de certains déplacements, il est nécessaire d’être à plusieurs pour protéger et apaiser Félix.

 

Il a bien repéré le groupe et les rituels de la journée. Il est sensible aux outils de communications que nous utilisons. Il participe à différentes activités qui sont centrées sur ses intérêts (patouille avec la semoule, activité sensorielle, percussion, comptines, massage, animaux, senteurs, bulles, brumisateur, travail en vis-à-vis,…). Il alterne ces activités avec la présence d’autres enfants ou en relation individuelle avec l’adulte. Il réalise également depuis décembre des vis-à-vis d’une trentaine de minute, à la table avec la psychologue, deux fois par semaine.

 

Nous déplorons le fait de ne pas avoir les moyens humains de l’accueillir sur un réel temps plein actuellement. Les professionnels de l'IME se mobilisent pour tenter de s’organiser et faire évoluer les choses.

 

Nous admirons la famille de Félix qui est engagée et mobilisée pour que Félix puisse bénéficier d’un accompagnement adapté à ses besoins. Et avec qui nous apprécions d'avoir des échanges riches et réguliers.

 

Nous sommes contents de pouvoir travailler en collaboration avec les professionnels qui interviennent auprès de Félix, à l’IME mais également en dehors et à domicile.

 

  • Aude LEBARZ

 

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